Plat Publié le mercredi 10 juin 2009 à 09h23

Casaque Fougedoire : L'amour du beau (Partie 2)


Au travers un reportage en deux volets, faisons connaisance avec le propriétaire qui eût le plaisir et l’honneur de posséder ce cheval d’exception capable de porter au plus haut ses couleurs : Al Capone II et Robert Fougedoire sont à tout jamais indissociables dans une Gloire qui les a choisis… Mais au fait pourquoi ?

Très jeune initié à la joie de dénicher de futurs talents par des achats réguliers et nombreux, Robert Fougedoire sera rapidement confronté à la dure réalité de gérer une importante écurie de courses. En effet, la passion et l’ambition de réussir du propriétaire ne le dispensent pas de réalisme et de vigilance. C’est, sans nul doute possible, ce double souci qui inclinera l’homme de cheval à glisser peu à peu d’une activité de « plat » à celle « d’obstacle ». Même si les archives statistiques de France Galop ne remontent, par voie informatique, qu’à 1980, on peut cependant constater que l’Ecurie de Robert Fougedoire et de son épouse totalisent aujourd’hui plus de 100 victoires et 300 places en « plat » pour 750 courses courues –ce qui représente un bon coefficient de réussite mais sans commune mesure si on le compare à celui de « l’obstacle » émaillé de 450 victoires et 900 places pour 2 200 participations environ. Et Robert Fougedoire d’expliquer : « J’ai fini par épouser l’obstacle. Comme tout le monde, je rêvais de Longchamp et de victoires classiques ! Mais je me suis rendu compte que je n’aurais jamais de grandes satisfactions en plat, faute de pouvoir investir dans des chevaux aux origines extraordinaires. Tandis qu’en obstacle, en étant un peu malin, et avec l’indispensable part de chance, je pouvais trouver de bons petits chevaux, capables de gagner, et donc de nourrir mon plaisir de propriétaire. » Belle lucidité stratégique qui, comme nous allons le constater va porter ses fruits dès la dernière décennie du XXème siècle.

Vers l'obstacle

Désireux donc de se soustraire à l’hégémonie des écuries « mammouths » de plat, Robert Fougedoire va, pour bâtir son écurie d’obstacle, plonger la main dans le creuset de l’élevage du Centre. Appliquant les politiques volontaristes des présidents de la Société des Steeple-chases de France –Alain du Breil puis Bernard Le Gentil- qui incitaient à faire naître des sauteurs d’abord puis à privilégier le développement de l’élevage des A.Q.P.S, Robert Fougedoire va d’abord rapidement récolter les dividendes de son choix et ensuite ouvrir la voie à une exportation grandissante des sauteurs français. Dissipées les craintes de certains entraîneurs de galop qui affirment à l’époque que « l’Obstacle est un boulet que traîne le Plat »… 26 décembre 1987 : Nupsala, portant la casaque Fougedoire, remporte le King George VI Chase à Kempton Park. François Doumen défie les Britanniques sur leurs terres et amorce ce que le Racing Post du 5 janvier 2001 qualifiera de « grande invasion » Détectant que Nupsala, cheval de groupe, était régulièrement battu en terrain lourd, François Doumen décide de le courir… au mois de décembre en Angleterre car il sait que le terrain est sablonneux. C’est cela l’habilité d’un entraîneur ! Et c’est la victoire pour la casaque Fougedoire. Puisant toujours astucieusement dans le vivier des sauteurs du Centre, Robert Fougedoire va, pour la plus grande satisfaction d’un propriétaire qui sait acheter, élever, sentir ses poulains, dénicher deux perles rares, Ucello II et The Fellow. Très vite repérés comme étant des cracks, ces deux chevaux vont rejoindre, suite à une importante tractation financière, les effectifs de la marquise de Moratalla entraînés par François Doumen. Aidé par un autre crack d’exception Ubu III, les sauteurs « selle français » vont permettre notamment de 1990 à 1995 à la casaque de la « marquise » « d’écraser » l’obstacle en France et de remporter six fois consécutivement le titre de premier propriétaire.

L'aventure Al Capone II

Et pourquoi faire compliqué, quand on peut faire simple ? Achetons le propre frère de The Fellow et tentons l’aventure… Celle-ci se nomme Al Capone II et elle deviendra épopée ! Autant l’aîné était sculptural, autant le cadet avait la taille réduite et rien ne le distinguait particulièrement des autres poulains qu’avait acquis Robert Fougedoire, sinon peut-être un dynamisme « excessif » quand il arriva au centre d’entraînement de Bernard Sécly. Celui-ci va s’ingénier, avec son personnel, à gérer la fougue d’un poulain qui aurait pu voir sa carrière se terminer dans une collision avec une automobile, lors d’une échappée hors des pistes de galop. Peu à peu la « boule de nerfs » apprend son métier et se sert d’un tempérament hors pair pour « voler » de victoire en victoire. Cette faculté qu’a Al Capone II de « respirer » sur chaque obstacle lui permet de rattraper le terrain perdu sur d’éblouissants congénères et il faut avoir dans les yeux la course-poursuite engagée dans le Grand Steeple-Chase de Paris (1997) entre Al Capone II et Chamberko pour mieux appréhender la hargne et la vélocité finale du premier dépassant le second à la dernière haie, et lui infligeant un KO sans appel.De la même manière, alors qu’il est archi-battu à la dernière haie du Prix Troytown 1997, il finit à la vitesse du vent pour battre ses deux compagnons de casaque, Baccarat Colonges et Cumberland, permettant à l’Ecurie Fougedoire, -notons le fait car il est jusqu’à présent unique-, d’assurer un triplé historique dans une épreuve de cette importance. Patience, minutieuse éducation, travail ont présidé à la carrière du Champion et ont valu à son entraîneur Bernard Sécly la Légion d’Honneur, à son fidèle et respectueux jockey Jean-Yves Beaurain les plus grands hommages et à son non moins élogieux propriétaire les plus beaux trophées et les émotions les plus intenses. Conclure notre propos en omettant de rendre hommage à tous les valeureux serviteurs qui, de Fire Light II à El Paso III, portèrent la casaque verte et jaune dans toute les épreuves de l’obstacle, serait injuste mais, la place nous manquant, laissons cet insigne honneur à leur illustre congénère qui a eu la chance de voir de son vivant s’ériger sa statue en bronze à Auteuil le 3 décembre 2000. Signe de tonicité exceptionnelle et d’éternelle jeunesse à vingt ans passés, Al Capone II partage désormais sa retraite avec El Paso III (Grand Steeple-Chase de Paris 2002) et « fait encore les bras » du lad chargé de ses exercices à Chantilly, car le Champion, à l’image de son aîné Katko est aujourd’hui chargé de vanter les mérites « du sauteur français ». Gloire à ceux qui ont su le respecter et le maintenir si gai… Jusqu'à 600€ offerts pour parier sur les courses hippiques !