Plat Publié le mercredi 3 septembre 2008 à 16h00

Lellouche: une vie en bleu


A 56 ans, Elie Lellouche fait partie des meilleurs entraîneurs français et ce, depuis presque deux décennies. L’Arc de Triomphe, le Prix de Diane, la Gold Cup à Ascot, il a remporté les plus belles victoires. Des succès acquis le plus souvent pour l’écurie Wildenstein. Rencontre avec celui qui est l’un des artisans du palmarès de la célèbre casaque bleue.

A 56 ans, Elie Lellouche fait partie des meilleurs entraîneurs français et ce, depuis presque deux décennies. L’Arc de Triomphe, le Prix de Diane, la Gold Cup à Ascot, il a remporté les plus belles victoires. Des succès acquis le plus souvent pour l’écurie Wildenstein. Rencontre avec celui qui est l’un des artisans du palmarès de la célèbre casaque bleue. Il y a 30 ans, vous faisiez vos débuts comme entraîneur, que s’est-il passé depuis, dans votre vie ? Le temps passe… Trente ans déjà ! Heureusement pour moi, j’ai connu beaucoup de bonnes choses. Au début, il a fallu se battre, rien n’a été simple. D’ailleurs si c’était à refaire, je ne sais pas si j’oserais me lancer. Entrer dans la profession était bien plus facile autrefois. Désormais, il y a beaucoup de grosses écuries, ce qui complique le renouveau de la profession. J’ai eu la chance de rencontrer des clients importants qui m’ont fait rapidement confiance. J’ai connu de grandes joies, j’ai pu voyager grâce aux chevaux, j’ai gagné de prestigieuses épreuves. Franchement, je n’ai pas à me plaindre ! J’ai eu un parcours rêvé. En 1978, je n’aurais jamais imaginé que j’allais réaliser tout cela ! Avez-vous l’impression de pratiquer le même métier, trente ans après ? Non. Tout a changé aujourd’hui. Les courses sont plus nombreuses. Il faut savoir gérer la carrière des chevaux. Nous sommes aussi constamment sur les routes. Les courses ont lieu partout et tous les jours. C’est usant ! La gestion de l’écurie n’est également plus la même au niveau du personnel, des relations avec le jockey ou les propriétaires. L’entraîneur n’est plus seulement homme de cheval, il est chef d’entreprise. Rien n’est comparable aux années 70 ou 80. Quel genre d’entraîneur êtes-vous ? Avec les chevaux, je fonctionne au feeling. Je pense aussi être assez patient. Il faut toujours se battre, y croire. Pour le reste, je suis un homme assez impulsif. Je suis capable de me mettre en colère, de « gueuler », d’exploser complètement mais deux secondes après je n’y pense plus. Avec les propriétaires, ce n’est pas la même chose, je suis plus « rond ». (Rires) Mais je ne triche pas, je leur dis toujours ce que je pense. Quand il faut trancher et se séparer d’un cheval, je n’hésite pas. Comment fonctionne votre écurie ? J’entraîne une centaine de chevaux. J’ai une quarantaine d’employés. Je suis assisté d’un premier garçon. Ce n’est pas toujours évident de manager une écurie aussi importante. J’entraîne autant de personnel que les chevaux ! C’est parfois pénible. De 2001 à 2005, vous faisiez partie des cinq meilleurs entraîneurs français. 2006 et 2007 ont été des années très difficiles. Comment avez-vous géré ce moment délicat ? On courbe le dos et on attend que cela passe. Je savais que je n’avais pas de chevaux capables de tirer l’écurie vers le haut. Je me suis remis en question mais je savais que cela ne servait à rien de tout changer. Dans ces situations, il faut se battre, continuer à travailler dur et positiver. La moindre victoire, si petite soit elle permet de vous accrocher, de vous remonter le moral. Avez-vous considéré ces résultats comme un échec personnel ? Je m’efforçais de continuer à faire mon travail le mieux possible. Je reste persuadé que ce sont les chevaux qui font les hommes et pas l’inverse. Je n’avais pas de cheval d’âge de qualité. Aquarelliste, Vallée Enchantée et Bright Sky étaient parties au haras, vous imaginez bien que ces départs laissent un vide énorme, difficile à combler. Dans quel état d’esprit étiez-vous ? Quand on est entraîneur, on veut toujours gagner. C’est difficile d’être au creux de la vague. Mais si vous baissez les bras, ce n’est pas la peine. De toute façon, les propriétaires savaient que 2006 et 2007 allaient être des années moins glorieuses. J’y étais préparé et eux aussi. N’est-ce pas un peu frustrant d’avoir été souvent parmi les meilleurs mais jamais le meilleur ? En 2001, j’ai terminé deuxième à 70 000 euros d’André Fabre. J’étais un peu déçu sur le coup mais j’ai réalisé que c’était une performance très correcte. Ensuite, je suis parvenu à rester parmi les cinq meilleurs mais vous savez, désormais ce plus la même chose. Aujourd’hui, pour finir tête de liste, il faut faire des milliers de kilomètres, courir tous les jours. Je ne suis pas prêt à le faire. Pourtant avec les chevaux de l’écurie Wildenstein, vous aviez la possibilité d’être numéro 1… Oui, mais ce n’était pas le plus important. Ce qui me rend le plus heureux, c’est que des chevaux comme Aquarelliste ou Westerner soient devenus populaires. Grâce à mon travail et à celui de toute l’équipe, ils ont été propulsés sur le devant de la scène. Le grand public aimait les voir courir. C’est une récompense, une fierté pour un entraîneur ! Qui sont les meilleurs entraîneurs aujourd’hui ? Il n’y a pas de meilleur ! Chaque entraîneur possède son propre style, sa méthode, ses ressentis. Il existe beaucoup de personnes compétentes qui ont un véritable savoir-faire. Le cercle des entraîneurs talentueux n’est pas fermé. Mais pour être bon cela dépend beaucoup des chevaux. Je compare ce métier à la Formule 1. Si un pilote n’a pas une bonne écurie, il ne peut rien faire. Pour moi, c’est pareil. "La famille Wildenstein m'a tout apporté" André Fabre est-il un exemple pour vous ? En aucun cas. Même s’il est numéro 1 depuis longtemps, je ne le prends pas comme exemple. L’entraîneur est en première ligne des critiques, encore plus aujourd’hui. Ressentez-vous une certaine pression ? Avez-vous une obligation de résultat vis à vis des propriétaires ? Je ne ressens pas de pression au quotidien mais quand une course importante se rapproche je suis comme tout le monde, un peu tendu. Malgré tout, je ne crois pas être invivable… (Rires). Quant aux propriétaires, ils ont un hobby couteux et il est normal que les chevaux aient des résultats. Donc chaque année, j’essaie de placer des objectifs raisonnables pour chacun de mes pensionnaires. Vous êtes l’entraîneur de l’écurie Wildenstein depuis presque 20 ans. Comment a débuté votre collaboration ? Après le décès d’Olivier Douiëb qui était l’entraîneur de l’écurie, j’ai reçu un coup de téléphone. Daniel Wildenstein me convoquait dans ses bureaux, rue de la Boétie à Paris. J’étais très fier mais pas surpris car je savais que leurs entraîneurs d’alors, Olivier et André Fabre leur avaient parlé de moi en bien. Je me doutais un peu que de ce qui allait arriver. Mais je peux vous assurer que lorsque cela se réalise, vous ne restez pas indifférent. Je me suis dit que j’allais entrer dans la cour des grands. Que vous ont apporté les chevaux de l’écurie Wildenstein ? Ils m’ont tout apporté. Grâce à l’écurie Wildenstein, j’ai remporté les plus prestigieuses épreuves. Les victoires m’ont permis d’acquérir une certaine réputation. C’est même grâce à cela que d’autres propriétaires comme Monsieur Sarasola m’ont confié des chevaux de qualité. Sans l’écurie Wildenstein, je n’aurais certainement pas remporté le Prix de l’Arc de Triomphe. Il existe un lien fort. Vous sentez-vous redevable des Wildenstein ? Je leur dois tout de A à Z. Je suis sûr que sans leurs chevaux, je n’aurais pas fait la même carrière. Il m’aurait été bien plus difficile de m’imposer dans cette profession. Quels étaient vos rapports avec Alec Wildenstein ? Au fur et à mesure, notre relation est devenue plus amicale. D’ailleurs, il ne se passait pas un jour sans que l’on ne se téléphone. Nous nous voyions également en dehors des courses. C’était un homme passionné, simple, gentil, intègre, généreux. Je ne lui connaissais pas de défauts. Il me faisait confiance et n’intercédait jamais dans la gestion de l’écurie. Il me laissait faire. Il y avait un respect mutuel. Je me souviens d’ailleurs qu’un jour, il m’avait appelé en me disant « Puis-je venir voir les chevaux ? ». Cette demande m’avait surpris car c’était ses chevaux, il pouvait passer quand il voulait. Le fait de demander la permission montrait à quel point il me respectait. J’ai apprécié. C’était un grand homme ! Quels sont les chevaux qui ont marqué votre carrière ? D’abord Epervier Bleu car c’est lui qui m’a apporté ma première victoire dans un Groupe I pour l’écurie Wildenstein. Daniel Wildenstein était tellement heureux pour moi qu’il m’a offert le vase en vermeille, trophée qui revenait normalement au propriétaire. Westerner restera mon cheval de cœur, il a couru de 3 à 5 ans, en étant au summum de sa forme. Il a été au-delà de mes espérances. Enfin, il y a eu Aquarelliste. Une championne ! Avec un peu plus de chance, elle aurait pu remporter le Prix de l’Arc de Triomphe (2ème en 2004). Mais un Godolphin est revenu de nulle part… (Moue dubitative). C’était frustrant ! La victoire d’Helissio dans l’Arc de Triomphe 1996 est-elle le plus beau moment de votre carrière ? L’Arc de Triomphe, c’est La course. Elle est l’objectif de tout entraîneur. Moi au moins, je suis tranquille de ce côté là. Je l’ai gagné. Mon nom est gravé au palmarès. C’est fabuleux ! Mais c’est sûr que le regagner serait l’apothéose. Vous avez remporté les plus belles courses de Groupe en France (29) et à l’étranger (7), quelle est votre motivation ? Je n’ai jamais remporté le Prix du Jockey-Club et franchement cette course me tient très à cœur. A part cette épreuve, j’ai encore quelques challenges à l’étranger. Il reste encore pas mal de belles choses à faire. Notre métier consiste à gagner, toujours et encore. Il n’y a pas de routine. En tout cas moi je ne la connais pas ! Jusqu'à 600€ offerts pour parier sur les courses hippiques !