Plat Publié le lundi 4 août 2008 à 13h44

Ricou: Le nouveau roi


Jacques Ricou a déjà remporté la Cravache d'Or en obstacle à trois reprises. A 27 ans, il compte plus de 400 succès depuis le début de sa carrière, dont cinq victoires de Groupes I en France et en Angleterre. Un score qui laisse rêveur et qui le place comme le logique successeur de Christophe Pieux. Zone Turf a rencontré ce jockey talentueux.

Jacques Ricou a déjà remporté la Cravache d'Or d'obstacle à trois reprises. A 27 ans, il compte plus de 400 succès depuis le début de sa carrière, dont cinq victoires de Groupes I en France et en Angleterre. Un score qui laisse rêveur et qui le place comme le logique successeur de Christophe Pieux. Zone Turf a rencontré ce jockey talentueux. Zone Turf: Comment assumez-vous votre statut de N°1 des jockeys ? Jacques Ricou : En fait, je ne me rends pas compte de ce statut. Je n’en ai pas vraiment conscience. Vous savez, je relativise beaucoup cette place de numéro 1 car ce n’est pas un but final. Mais j’avoue que c’est agréable d’être attendu. Je vois que les regards ont changé surtout quand je vais en province. J’entends souvent des « Tiens, Ricou est là ! » et c’est vrai que cela me fait plaisir. ZT : Vous êtes aujourd’hui un jockey de référence, est-ce une récompense pour vous ? J.R : Oui, c’est une récompense car j’ai vraiment « trimé ». Tout n’a pas été facile. J’ai tout donné pour arriver là où j’en suis aujourd’hui. Et puis, je dois reconnaître que désormais je n’ai plus envie de vivre autre chose. Quand tu es au sommet, tu n’as pas envie de redescendre. ZT : Avez-vous connu des moments de doute dans votre carrière ? J.R : Evidemment comme tous les jockeys. Moi, j’ai traversé un moment effroyable quand Jaïr du Cochet est mort un matin à l’entraînement. J’ai été foudroyé, je venais de perdre mon cheval de cœur comme ça, en quelques secondes. J’ai pris un coup énorme au point de me demander si cela valait le coup de continuer. ZT : A ce point ? J.R (le visage fermé) : Ce cheval était comme un membre de ma famille. C’est lui qui m’a fait connaître. Alors oui, je me suis posé la question, à quoi bon continuer. Le fait d’en reparler me touche beaucoup. Mais grâce à mon entourage, je me suis forcé. Le goût de monter à cheval est revenu. La vie a repris le dessus. ZT : Aujourd’hui, vous êtes au sommet. Pourtant vous restez moins médiatique que Christophe Pieux, pourquoi selon vous ? J.R : Vous savez, Christophe est le «Yves Saint-Martin » de l’obstacle. Il est hors du commun. Il y a lui et les autres. ZT : Est-ce que cela vous ennuie ? J.R : Non, je ne suis pas jaloux. C’est comme ça, c’est normal qu’il soit considéré comme une star. Ce qui m’énerve, ce sont les automatismes de certains journalistes qui le présentent comme le tenant du titre de la Cravache d’Or alors que c’est moi. C’est parfois irritant que certaines personnes ne se mettent pas à la page. ZT : Quels sont vos rapports avec lui ? J.R : Nous sommes rivaux mais il y a un véritable respect mutuel. J’ai énormément d’admiration pour lui. Parfois, je suis devant ma télévision et il m’épate. Il fait des choses incroyables, c’est le plus fort pour rétablir des situations désespérées. Quand il partira, ce sera un grand vide. ZT : On dirait que vous redoutez ce départ ? J.R : Oui en quelque sorte. Il y aura un grand changement. Franchement, je pense que cela va beaucoup m’ennuyer quand il prendra sa retraite. Sa présence me « booste ». Cette rivalité me pousse à donner le meilleur de moi-même. Vous savez, quand je monte et qu’il est dans la même course, je le surveille toujours du coin de l’œil. Il est capable de vous inventer n’importe quel truc. Je l’observe et j’apprends encore. C’est incroyable ! ZT : Vous le regardez comme un ado regarde son idole… J.R : Un peu, c’est vrai. Je suis surpris parfois quand je suis devant lui. Il y a dix ans quand j’ai commencé, il était déjà numéro 1 alors… ZT : Pour l’instant, vous êtes en tête dans la course à la Cravache d’Or, vous pensez encore gagner cette année ? J.R : Oh que non ! Avec Christophe et les autres à mes trousses rien n’est jamais terminé. Tout le monde me fait toujours peur. Plus j’aurai d’avance et mieux ce sera. Mais j’ai aujourd’hui clairement les moyens d’y être. ZT : C’est une fierté d’être Cravache d’Or ? J.R : Certainement ! Tous les jockeys aimeraient la gagner. Quand je l’ai remportée pour la première fois en 2005, j’étais fier. C’était une récompense pour tout le « team Macaire ». Tout le monde m’avait aidé à conquérir ce titre. Mes parents aussi m’avaient beaucoup soutenu. J’avais réussi pour eux. ZT : En 2006 et 2007, vous l’avez vécu différemment ? J.R : Oui car c’était la confirmation. 2006 et 2007 étaient des victoires plus personnelles. J’ai été critiqué les années précédentes car je faisais le meeting de Pompadour. Les gens disaient, « c’est facile d’être Cravache d’Or en allant faire trente gagnants à Pompadour ». Cela m’a énervé. Cette année, j’ai voulu prouver à tout le monde que je pouvais gagner ce trophée en faisant différemment. ZT : Croyez-vous pouvoir gagner une quinzaine de Cravaches d’Or ? J.R (rires) : J’aimerais bien mais… Les temps ont changé. Avant, gagner 70 courses dans l’année suffisait pour être sacré. Maintenant, il faut en faire environ 110. Moi, je fais 120 000 kilomètres par an, le rythme est très élevé et la concurrence est rude. Ce n’est plus la même époque. Une, c’est bien, deux, c’est super, alors trois Cravaches d’Or, ça me va très bien. Mais si je peux en remporter seize, je ne me gênerai pas !

"Briller à l'étranger est un objectif"

ZT : Le fait de porter la casaque Mulryan vous met-il de la pression ? J.R : C’est une casaque de « winner », les gens sont habitués à la voir passer le poteau en tête. Il a fallu apprendre à gérer cette pression. Il faut s’appliquer encore plus. Prendre les bonnes décisions car tout le monde veut battre cette casaque. ZT : Vous savez que vous n’avez pas le droit à l’erreur… J.R : Des erreurs, j’en ai fait mais je les ai toujours assumées. Je ne suis pas une machine. C’est difficile d’être parfait. ZT : Pensez-vous monter davantage à l’étranger ? J.R : J’ai découvert l’Angleterre avec Jaïr du Cochet et j’avoue que quand j’ai eu ce contrat, j’y ai tout de suite pensé. Faire briller la casaque Mulryan là-bas est vraiment mon objectif. En France, on n’a plus rien à prouver alors qu’outre-manche, c’est une autre histoire. Je suis sûr que nous allons réussir. ZT : Les courses sont différentes en Angleterre ? J.R : Oui, c’est très difficile physiquement. Il faut être à l’écoute de son cheval. Les courses sont moins tactiques mais il y a plus de frissons. C’est un vrai plaisir ! ZT : Les sensations, c’est ce que l’on recherche quand on est jockey d’obstacle ? J.R : Oui, jusqu’à un certain point. J’aime ça mais je ne suis pas un kamikaze. Je préfère arrêter un cheval plutôt que de prendre des risques inconsidérés. Car quand vous êtes à l’hôpital, chambre 32 au quatrième étage, plus personne ne pense à vous. Etre un jockey sans cerveau n’a pas de sens pour moi. Il faut minimiser les risques. Pour durer, il faut être sur le terrain. ZT : Vous vous rendez compte que la vie de jockey d’obstacle est une vie très particulière… J.R : Je sais, mais j’adore cette vie. On voyage, on vit à cent à l’heure. C’est sûr, je n’ai pas le temps de faire autre chose. Je vois ma famille et mes amis de temps en temps. Il n’y a pas de loisirs mais je sais que je ferai tout cela après. Et puis, c’est quand même beau de pouvoir faire vibrer les gens. C’est ce que j’ai toujours voulu faire. Quand les tribunes sont pleines et que les spectateurs oublient leurs soucis pendant les cinq minutes de course, c’est quand même chouette. On se dit que l’on sert à quelque chose ! Jusqu'à 600€ offerts pour parier sur les courses hippiques !