Sylvain Dehez ou la récompense de la témérité

Même dans ses rêves les plus fous, Sylvain Dehez n’aurait pu imaginer une telle journée pour sa première participation à un Grand Steeple-Chase de Paris. Associé pour la troisième fois seulement en compétition au champion Mid Dancer à l’occasion de l’édition 2011 du prestigieux tournoi, le jockey à peine trentenaire a connu une sensation incomparable en décrochant le graal de la profession. Mieux, grisé par tant de plénitude, le jeune homme s’est ensuite imposé avec Rag Tiger avant de triompher en selle sur Grand Charly dans l’autre temps fort du jour, le Groupe I Prix Ferdinand Dufaure. Un triomphe à l’image d’une activité souvent rugueuse, parfois cruelle mais aussi éblouissante lorsqu’elle veut bien payer. Une gloire fulgurante à l’image du parcours du garçon, ponctué de hauts et de bas mais que sa seule ténacité aura pu porter au sommet.

Le jeune apprenti cherche ses marques

Les courses de chevaux, Sylvain Dehez les a découverte dès son plus âge, son père étant alors premier garçon chez Xavier Guigand. Lesté de sa vocation, l’adolescent poursuit alors le parcours classique qui passe par l’AFASEC, celle de Mont-de-Marsan, censé mener au métier de jockey. Le garçon a soif de succès, de gloire et donc de montes, alternant les patrons pour en obtenir, Jean-Pierre Totain en 1995, suivi par Jehan Bertran de Balanda en 1997. Chez ce grand entraîneur d’obstacle, les places sont chères et Sylvain Dehez ne tient pas en place, faisant de nouveau ses valises pour l’écurie de Guy Cherel en 1998, où il signe alors sa première victoire en haies avec Grand Flûtiste (casaque Jean-Etienne Dubois) à l’été 1999 à Saint-Malo. Le jeune jockey se produit essentiellement en province où il peut faire bénéficier son entourage de sa décharge. Mais cela ne lui suffit toujours pas et en 2004, Sylvain profite de l’opportunité de rejoindre Yannick Fouin, comptant bien enfin briller sur les obstacles parisiens.

Le déclic chez Yannick Fouin puis les blessures

Le déclic se produit alors et le jockey est régulièrement associé aux représentants de l’ancien jockey d’obstacle reconverti entraîneur. Un premier succès sur la Butte et les belles victoires s’enchaînent alors, telles le Prix Cambacérès (G.I) avec Royal Honor en 2006 pour la casaque de Magalen Bryant, le Prix Alain du Breil (G.I) la même année avec Lina Drop (casaque Pariente), ainsi qu’une série de trois Groupes sur les gros obstacles avec Loulia en 2008. Entre-temps, Sylvain Dehez est devenu professionnel et compte parmi les jockeys d’obstacle en vue de l’Hexagone, remportant en moyenne une petite quinzaine de victoires par saison. Mais rien n’est jamais acquis dans cette discipline ô combien périlleuse, lorsque ce n’est pas la concurrence qui s’en mêle. Le jockey se blesse et cette concurrence en profite. Lorsque Sylvain est de retour, le mal est fait et l’homme pressé doit se décider, car jouer les seconds rôles ne semble définitivement pas coller à sa nature. En 2010, décision de partir est prise, mais sans patron cette fois, et sans agent pour le guider, pour le soutenir. Après une saison moyenne, Sylvain a besoin de réfléchir. Bien sûr le doute s’installe.

Le coup de fil de Jean-Paul Gallorini et la rencontre avec Mid Dancer

Un autre coup de pouce du destin se produit encore - mais ceux-ci ne se forcent-ils pas aussi ? - à l’été 2010, lorsque le professionnel aligne une belle série à Clairefontaine. Jean-Paul Gallorini le contacte, puis Christophe Aubert. A la faveur de la blessure de Bastien Bénard (Gallorini) mais aussi à force de travail, Sylvain Dehez revient au premier plan, s’illustrant avec les Katkovana, Coralhasi et autre Le Jonchet, établissant son meilleur score en carrière (19 succès). Puis vient le temps de découvrir Mid Dancer, lauréat du Grand Steeple 2007, que Sylvain mène au succès lors du Prix Ingré (G.III). Et ce fameux après-midi dominical du 29 mai, jour de son premier Grand Steeple. Papa depuis peu, Sylvain Dehez va connaître une sorte de seconde naissance. Ce champion d’exception de 10 ans, classieux sauteur, va lui faire atteindre le sommet que tout jockey d’obstacle rêve d’atteindre. Le jockey triomphe en selle sur le sauteur du Pegasus Farms. Touché par la grâce, Sylvain Dehez remporte la suivante avec Rag Tiger puis l’important Prix Ferdinand Dufaure (G.I) sur Grand Charly. Deux troisièmes places et deux quatrièmes places agrémentent son après-midi. L'homme a atteint la plénitude. L'exceptionnelle Mid Dancer l'a aidé dans sa quête. Un triomphe emprunt de beaucoup d'émotion qui rappelle que rien n'est jamais acquis dans le métier, tant pour les chevaux que pour les hommes. Mais qu'à force de persévérence, la volonté paie aussi. Jusqu'à 600€ offerts pour parier sur les courses hippiques !

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