Cracks, fruits et légumes
C'est l'histoire d'un homme qui paie l'impôt sur la fortune mais qui continue de vendre ses fruits et ses légumes sur les petits marchés de Normandie. C'est l'histoire d'un propriétaire de cracks qui fuit les hippodromes, les honneurs et les jalousies. En 2007, pour sa première victoire dans le Prix d'Amérique, quelqu'un s'est approché de Thierry Vilault: "Vous êtes bien le propriétaire d'Offshore Dream ?" Vilault a fait non de la tête et désigné un inconnu dans la foule. Pour la remise des prix, il était déjà loin.
Il y a deux semaines, Offshore Dream a manqué l'exploit, un troisième Prix d'Amérique d'affilée, battu par son compagnon d'écurie, Meaulnes du Corta. Aujourd'hui, c'est la revanche, au Prix de France. Meaulnes est la propriété d'un businessman à succès, Jean-Pierre Barjon. La lutte des classes chez les trotteurs? Très peu pour Vilault. De toute façon, entre son haras de 80 chevaux et son petit commerce, le bonhomme n'a ni le goût ni le temps de prêter attention aux mesquineries. Le mardi matin, à Saint-Pierre-sur-Dives, le réveil sonne à 5 heures, direction Couterne, dans l'Orne, 160 kilomètres aller-retour. C'est dans cette bourgade de 1 000 habitants que Vilault a commencé les marchés, il y a un quart de siècle. Rien, excepté les grands gels, ne pourrait lui faire manquer son rendez-vous. "Comment les personnes âgées feraient si je n'étais pas là?"D'abord associé au fils Gabin et à Philippe Allaire
Au marché de Couterne, c'est un rituel. Chacun vient à son heure. Les mamies se battent pour lui offrir un café ; les papys pour lui rapporter sa baguette et son Paris-Turf. Vilault adore prendre des nouvelles, glisser un mot gentil, ajouter une pomme ou une orange après la pesée. Dans ces villages désertifiés, le commerçant est un service public à lui seul. A 11 h 30, c'est la tournée des Kirs au bar de l'église. A 12 h 30, Mme le professeur gare son Austin jaune canari tout près de l'étal. Elle est toujours la dernière. Brocolis, carottes des sables, endives... Il est temps de remballer, d'avaler un plat de tripes avec les copains, le fleuriste, l'ancien couvreur et l'informaticien. Et zou, direction Ifs, au sud de Caen, pour mettre la marchandise au frais, puis le haras sur la route de Lisieux. "Tout ça me distrait de la pression des chevaux." Quand Vilault rebranche son mobile, les appels défilent en cascade. Un entraîneur lui annonce qu'un de ses 4-ans vient de faire deuxième dans une semi-classique, à Cagnes-sur-Mer. Aux beaux jours, Vilault a des marchés tous les matins jusqu'à Franceville et Cabourg. Son expert-comptable lui a demandé d'arrêter ces enfantillages. Au prix du gazole, les fruits et légumes vont finir par coûter plus qu'ils ne rapportent, sans compter que le haras et ses quatre employés auraient besoin du patron à plein-temps. Dès qu'il arrive, il rattrape le temps perdu. Terrassement, plomberie, réparation des clôtures... L'été, il travaille souvent jusqu'à 10-11 heures du soir. Et le matin, toujours levé à 5 heures et rebelote. Les chevaux, c'est un hasard et un engrenage. Un quarté gagnant en 1986 lui a fait acheter son premier poulain. Il a commencé à faire des saillies, à réfléchir à des croisements à forte valeur ajoutée. Il s'est associé au fils Gabin, Mathias Moncorgé, puis à Philippe Allaire. Il a touché des chevaux qui ont rapporté jusqu'à 1 million d'euros de gains. Aujourd'hui, il possède 100% d'Offshore Dream mais n'a pourtant jamais été tenté de lâcher son commerce. La passion de la vente l'a happé, dès l'adolescence. "C'est Roger, le père d'un ami qui m'a tout appris." Il était un expert du sourire bien placé, des mots imagés qui arrêtent le chaland, de la remise au bon moment. Valoriser tout à la fois le produit et le client. Attirer la foule autour du stand, ralentir la vente quand le client manque, accélérer quand les gens s'impatientent."En 2006, les banquiers voulaient me passer la corde"
Et Roger, toujours l'oeil sur tout, un ordinateur à la place du cerveau, jamais de calculette et des comptes qui tombent rond. "Roger disait: "Le premier bénéfice, c'est quand on achète."" A ce niveau, c'était un jeu. Le dimanche après-midi, Roger s'installait dans la forêt de Balleroy avec un lot de fraises, un stock de bas, collants et chaussettes. Il commandait porte de Pantin des toiles cirées et des tapis dont il rapportait, par le train, une dizaine d'échantillons. A la gare de Caen, tout était vendu. Il avait aussi ce souci du détail: "Aux péages, quand il faisait mauvais, il me demandait de descendre. Il y avait toujours des pièces que les gens avaient fait tomber et pas ramassées à cause de la pluie." Vilault éprouve ce même plaisir de la relation commerciale, rendre service tout en faisant sa marge: "Quand j'ai un gros lot de fruits et que je crains de ne pas tout vendre, j'ai autant de stress que pour une belle course." La prudence, aussi, l'incite à continuer cette double vie. "Ce qui m'a fait mal, dans la défaite, au Prix d'Amérique, c'est que j'ai vu mes filles pleurer. En même temps, c'était pour elles une leçon de vie. Il faut toujours s'attendre à des hauts et des bas. En 2006, les banquiers me couraient après, la corde à la main."Offshore Dream approche les 2 millions d'euros de gains
Il possédait pourtant quelques biens sur lesquels prendre des garanties mais la banque menaçait de rejeter les chèques. Heureusement, Vilault avait cette belle jument avec du sang américain, Enfilade, qu'il avait mariée à Rêve d'Udon. Le petit, Offshore Dream, s'était vite retrouvé en pension chez Pierre Levesque, dans le Cotentin. Pour calmer les banquiers, Vilault a vendu Enfilade, serré les dents, continué les marchés, jusqu'à ce que le crack commence à gagner. Aujourd'hui, Offshore Dream approche les 2 millions d'euros de gains. Ses saillies sont facturées 10 000 euros pièce. Il n'a que 6 ans, autant dire trois-quatre ans de course devant lui. Mais pas question, pour Vilault, de s'enflammer. Il a fini de rembourser ses gros investissements, projette de construire une piste d'accélération si ses voisins acceptent de lui céder une bande de terrain. A part ça, c'est prudence sur toute la ligne. Pas de vacances depuis quatorze ans, les seuls salaires viennent des primeurs (Mme Vilault est grossiste à Caen). "L'argent des chevaux doit aller aux chevaux"assure Thierry. S'il concède à ses filles une visite à Vincennes pour les très grandes courses, il ne cesse de leur répéter qu'il ne faut jamais oublier d'où l'on vient. Sa hantise? "Les enfants nés habillés." Il a trouvé une parade: pendant les vacances, Margot, 15 ans, et Camille, 11 ans, l'accompagnent sur les marchés. Jusqu'à 600€ offerts pour parier sur les courses hippiques !La Rédaction - ©2025 Zone-Turf.fr
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