Trot Publié le mardi 23 décembre 2008 à 17h07

Pour ou contre les hongres dans les classiques ?


Le débat secoue de temps à autre le petit monde du trot, à chaque fois qu’un hongre commet le crime de lèse majesté de devancer les entiers et les femelles de l’élite. Et puis, inévitablement, le soufflet retombe sans que la moindre modification du code ne soit entreprise. Faut-il, oui ou non, ouvrir le circuit classique aux trotteurs privés de leurs attributs ? L’arrivée du Prix Jules Lemonnier 2008 jette un pavé dans la mare…

Quel est le point commun entre Iris de Vandel, Quellou, Giesolo de Lou, General du Lupin, Hamilton d’Isques, Kart de Baudrairie, Kito du Vivier, Marathon Man et Nègre du Digeon ? Oui, vous avez forcément trouvé ! Ils sont tous hongres, certes, mais ils ont également et surtout la particularité d’avoir flirté avec le plus haut niveau sans avoir eu la possibilité d’exprimer pleinement leur potentiel dans les Groupe I et notamment les Prix de Cornulier et d’Amérique. Le code des courses reste sourd aux appels des hongres, en vertu de principes fortement ancrés dans la culture du Trot.

Logique d’élevage contre logique sportive

La raison d’être des courses au trot repose sur une sélection des meilleurs éléments de chaque génération afin d’améliorer la race Trotteur Français. Cette logique du Stud Book vise à sélectionner les étalons et la jumenterie par la compétition, il s’agit d’une pyramide et d’une longue chaine évolutive basée sur la reproduction. Alors, forcément, les hongres ont bien du mal à trouver leur place dans ce système où on n’hésite pas à crier haut et fort : « si votre trotteur est hongre, c’est qu’il avait une tare évidente, un énorme défaut qui l’aurait empêché de réaliser une grande carrière sportive en tant qu’entier… » Cet argument mille fois rabâché, les propriétaires et entraîneurs de cracks hongres en ont soupé et ils ont tous déposé les armes lorsque la menace d’une réduction encore plus drastique du programme des « trotteurs eunuques » fut brandie. Ainsi, il est définitivement acquis que de 2 à 5 ans, le programme de sélection est et restera interdit aux hongres. Exit, pour l’éternité du trot, le Critérium des Jeunes, ceux des 3, 4 et 5 ans… On peut objectivement admettre cette logique d’élevage jusqu’à l’âge de 5 ans afin de renouveler le parc de jeunes étalons mais ensuite, la logique sportive ne devrait-elle pas prendre le dessus ?

Plaidoyer pour les champions hongres

La France turfiste adore ses vieux champions, ceux qui sont encore là de 5 à 10 ans, dans les Quinté Plus et mieux encore dans les grandes épreuves classiques du calendrier international. Alors, lorsqu’un hongre s’immisce dans la cour des grands, imaginez la frustration sportive du public privé d’un match Général du Lupin – Général du Pommeau. Cette année, les deux premiers du Prix Jules Lemonnier, les hongres Marathon Man et Nègre du Digeon n’auront pas le droit d’aller défier Magnificent Rodney, Malakite, One du Rib et Prince Gédé dans le Prix de Cornulier. Cette ségrégation sexuelle a-t-elle encore un sens après l’âge de 5 ans ? Ces trotteurs hongres ont eux aussi des parents, un étalon et une poulinière qui sont mis en valeur par les performances sportives de ce fils privé d’attributs. Et puis, du côté des hommes, il faut savoir que les grands hongres mettent en avant le travail de professionnels doués et patients qui ne sont pas forcément les mêmes que ceux qui brillent avec les trotteurs précoces. Jean-Paul Marmion, dompteur de Général du Lupin, Franck Boismartel, mentor de Kito du Vivier, ou encore Loïc Abrivard, professeur de Nègre du Digeon, ne méritent-ils pas de voir leur immense travail récompensé par une participation aux classiques pour trotteurs d’âge ? Le problème reste entier à une heure où cette question risque, une fois encore d’être éludée par des dossiers autrement plus « urgents » comme par exemple ceux des déferrés ou de l’ouverture à la concurrence du marché des paris sportifs sur internet. Le trot français ne sort pas grandi de cet oubli plus ou moins volontaire du sort des hongres ; sur ce point précis, les scandinaves ont, une fois n’est pas coutume, une longueur d’avance… Jusqu'à 600€ offerts pour parier sur les courses hippiques !