Trot monté, trop de jockeys ?

S’il est une discipline qui a connu une révolution ces dernières années, c’est bien le trot monté. Un esthétisme croissant, des chronos faramineux et des courses d’une limpidité extrême, le trot monté est passé en un éclair du statut d’exception française à celui de vitrine médiatique et sportive. Tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes mais chez les trotteurs, mieux vaut souvent être assis dans un sulky plutôt que sur une selle…

Révolu le siècle des jockeys assis « le cul dans la selle ». Les images de trot monté des années 80 appartiennent à la préhistoire du sport hippique. A voir des jockeys désarticulés, étriers longs et rênes ballantes, monter et descendre au rythme des quatre temps du trot, on oublierait presque la proximité de cette ère démodée. La quête de la vitesse a eu raison des chevaux lourds et compliqués comme des jockeys rigides ; désormais au trot monté l’homme et sa monture font corps, entre aérodynamisme et fluidité. Ce spectacle est en tous points remarquable et les turfistes aiment parier sur ces épreuves où les concurrents peuvent pleinement s’exprimer sans être gênés pas un sulky adverse. Ceci dit, il convient d’analyser plus profondément les rouages actuels de cette discipline en plein essor…

Arguments de poids

Comme au galop, le poids est l’ennemi de la vitesse et le schéma actuel des conditions de courses au trot monté met en évidence de nouvelles tendances. 12 kilos d’écart !!! C’est le prix à payer aujourd’hui pour mettre en selle un professionnel en lieu et place d’un apprenti sur le dos d’un trotteur. Cet écart n’est plus vraiment justifiable et le classement final des chevaux est profondément lié au travail de sape du plomb. Autrement dit, il arrive fréquemment qu’un trotteur portant 55 kilos en devance un autre, pourtant meilleur, écrasé sous 67 kilos. Il s’agit là d’une question de sport qui mérite d’être débattue en haut lieu. Plus encore, les contraintes sportives imposées par la monte moderne ont définitivement interdit le métier de jockey à bon nombre de professionnels. Le jockey de trot mérite un grand respect sportif et son art est difficile.

Jockey au trot, un métier ?

Aujourd’hui, on voit passer une multitude d’apprentis prometteurs dans la discipline du trot monté. L’avantage au poids consenti à de jeunes et funambules de la selle permet fréquemment l’éclosion de jeunes prodiges du trot monté. Malheureusement, souvent, une fois parachutés dans les rangs des professionnels, les jeunes centaures dépérissent et meurent. Il faut dire que dans la discipline du trot monté, entre les avantages accordés aux apprentis et le clan très fermé des jockeys d’élite (une petite dizaine), il n’y a pas vraiment de place pour absorber le flux de jockeys professionnels généré. En 2007, en France, sur les 10.929 courses au trot organisées, seulement 1.480 (13.5%) ont été disputées dans la discipline du trot monté. Sur ces 1.480 courses, 329 (22.2%) étaient réservées aux seuls apprentis et 179 (12%) étaient ouvertes aux apprentis et professionnels. Cette répartition ne permet pas à beaucoup de jockeys de gagner leur vie. En dehors des 10 meilleurs (et encore !), il ne serait pas raisonnable de considérer que jockey de trot monté soit actuellement un métier à part entière. Même les meilleurs que sont Eric Raffin, Matthieu Abrivard, Franck Nivard et Philippe Masschaele doivent combiner leur activité de jockey avec des rôles de driver voire d’entraîneur. Le métier de catch-driver, comme l’exerce par exemple Jos Verbeeck, permet aux meilleurs pilotes de gagner leur vie, un parallèle avec la discipline du trot monté est aujourd’hui impossible. Dans les prochains mois, les instances dirigeantes du Trot français devront prendre en compte l’évolution de la discipline du trot monté et mettre en place un schéma adapté ; ceci dit il est vraiment improbable que de grands bouleversements permettent d’accroître la population des jockeys professionnels. Jusqu'à 600€ offerts pour parier sur les courses hippiques !

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