Trot Publié le mercredi 4 février 2009 à 13h10

Y a-t-il un pilote dans l’avion ?


Dans un petit mois, le meeting d’hiver de Vincennes 2008-2009 sera bon à classer aux archives. On retiendra la victoire de Malakite et Céline Leclercq dans le Prix de Cornulier, celle de Meaulnes du Corta et Franck Nivard dans le Prix d’Amérique mais personne ne se souviendra vraiment de l’histoire de la constitution de ces tandems, et pourtant…

Les coulisses des hippodromes, comme les vestiaires des stades de foot, fourmillent de bruits, d’histoires abracadabrantes, de secrets et de polémiques. La vie des courses n’est pas un long fleuve tranquille. Il y a la partie visible de l’iceberg et puis, existe la partie immergée, parfois magnifique, souvent laide mais toujours… invisible. Le meeting d’hiver 2008-2009 aura été marqué par un événement incroyable passé presque inaperçu : Les pilotes des lauréats du Prix de Cornulier et du Prix d’Amérique ont bénéficié d’incroyables concours de circonstances pour se retrouver associé au bon cheval au bon moment.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres

Céline Leclercq et Pierre Vercruysse ont été victime du même tragique accident de la route cet été. Unis à jamais par des liens qu’eux seuls pourraient décrire, ces deux professionnels auront été, malgré eux, les héros du meeting d’hiver de Vincennes. Céline Leclercq restera dans les palmarès comme la première femme à avoir remporté un Prix de Cornulier. Elle aura vécu une joie aussi intense qu’inattendue en remportant une épreuve à laquelle elle aurait pu ne pas participer. De son côté, Pierre Vercruysse, tout juste remis de ses blessures physiques, a vu Meaulnes du Corta, le cheval qu’il drivait dans le Prix d’Amérique 2008, remporter le championnat du monde des trotteurs mais… sans lui.

Un Cornulier comme un signe divin

Céline Leclercq n’avait pas remonté Malakite depuis le 10 juin et sa victoire dans le Prix Jan-Paul Fairand. Depuis, Malakite avait couru à neuf reprises, huit fois avec Pierre-Yves Verva et une fois avec Julien Grumetz. A priori, le jour du Cornulier, il y avait peu de chances de retrouver la demoiselle, choquée par son accident de la route, en selle sur la jument de la famille Verva. C’était sans compter sur un événement extérieur nommé Prince Gédé ! Le champion de Thierry Duvaldestin a remporté avec brio le Prix de Normandie en compagnie de Pierre-Yves Verva et le top-jockey a alors promis de monter le Prince dans le Cornulier. Après avoir connu de petits ennuis de santé, Prince Gédé fut aligné au départ le 18 janvier et c’est avec une certaine logique et un bel élan de générosité que Guy Verva a mis la monte de Céline Leclercq sur Malakite dans le Cornulier ; on connait la suite ! Prince Gédé s’est imposé en champion avant d’être disqualifié pour ses allures au profit de Malakite et de Céline Leclercq ; un véritable conte de fées…

Les chaises musicales de l’Amérique

Dans un premier temps pressenti pour driver Niky dans le Prix d’Amérique, Franck Nivard s’est finalement retrouvé au sulky de Meaulnes du Corta au terme d’un scenario imprévisible qui a suscité bon nombre de commentaires. Meaulnes du Corta et Franck Nivard ont remporté leur premier Prix d’Amérique dans un cavalier seul impressionnant qui a marqué les esprits. Pourtant, ces deux là auraient pu ne jamais être associés ! Avant le Prix de Bourgogne, le plus grand doute planait sur la forme des deux Levesque, Offshore Dream et Meaulnes du Corta. Après un retentissant jumelé dans la plus belle des 4 « B », la donne avait totalement changée. Pierre Levesque avait désormais le choix de tenter la passe de trois avec Offshore Dream dans l’Amérique ou la possibilité de relever le défi de gagner l’épreuve suprême, trois ans de suite, avec deux trotteurs différents, en choisissant de s’asseoir au sulky de Meaulnes du Corta. Sébastien Ernault, driver n°2 d’Offshore, et Pierre Vercruysse, driver malheureux de Meaulnes du Corta dans le Prix d’Amérique 2008, attendaient avec intérêt le choix de maître Levesque. Le professionnel normand a finalement choisi de jouer la carte de la fidélité associant sa drive au cheval qui lui a offert l’Amérique en 2007 et 2008. Déçu mais respectueux du choix de Pierre Levesque, Jean-Pierre Barjon, le propriétaire de Meaulnes du Corta et Niky, est alors entré en jeu pour imposer le nom de Franck Nivard comme driver de sa meilleure cartouche. Conscient du fait qu’il s’agissait de sa dernière chance de gagner un Prix d’Amérique et encore traumatisé par le scenario cauchemar du Prix d’Amérique 2008, Jean-Pierre Barjon a écarté Pierre Vercruysse pour mettre toutes les chances de son côté. En choisissant un driver au sommet de son art, en pleine confiance, Jean-Pierre Barjon a pris une décision sportive pragmatique, stratégique et réfléchie. La philanthropie ne fait pas gagner les grandes courses et l’arrivée du Prix d’Amérique 2009 a donné raison à Monsieur Barjon.

Le cas Pierre Vercruysse

Depuis son retour à la compétition le 23 décembre 2008, Pierre Vercruysse a participé à 38 courses et il n’a pas encore eu la chance de passer le poteau en tête. Le driver doit à nouveau subir une intervention chirurgicale prochainement et force est de constater qu’il n’est pas encore revenu, physiquement et moralement, à son meilleur niveau. La famille des courses soutient vivement "Pierrot" dans son combat quotidien pour retrouver sa place sportive dans le vestiaire de Vincennes. La route est encore longue pour Pierre Vercruysse qui a perdu un fils et été touché sévèrement sur le plan physique dans cet accident survenu au mois de juillet 2008. Grand analyste des courses et professionnel d’expérience, le driver sait parfaitement qu’il n’est pas à 100 %. Ceux qui ont reproché à Jean-Pierre Barjon de l’avoir remplacé par Franck Nivard au sulky de Meaulnes du Corta parlent avec le cœur, de belles pensées bien éloignées des impératifs des compétitions d’élite. Il ne faut pas tout mélanger ! D’ailleurs, aujourd’hui, aucun professionnel n’a encore confié une « vraie » première chance à Pierre Vercruysse dans une course avec des enjeux sportifs et financiers cruciaux pour une écurie de course. Alors sagesse, professionnalisme et surtout patience, il aura l’occasion de prouver à nouveau sa valeur en compétition, pour l’heure, ses combats personnels se situent bien ailleurs…

Driver volant, driver fragile

Pascal Geslin a compris que le driver jouait un rôle essentiel dans les grandes courses et il a su laisser sa place à Yves Dreux pour le Prix d’Amérique 2009, se contentant de jouer à fond son rôle d’entraîneur en préparant magistralement Nouba du Saptel pour le jour J. Au temps de la splendeur de Jag de Bellouet, Christophe Gallier avait pris le risque de driver lui-même son crack, il s’en est plutôt bien sorti. Selon les usages en vigueur au trot, un entraîneur peu choisir seul, ou en concertation avec son propriétaire, le nom du driver qu’il associe à ses chevaux. Aujourd’hui, les meilleurs pilotes de Vincennes sont très sollicités mais nul n’est à l’abri d’une erreur et on pourrait citer ici une longue liste de drivers volants qui ont perdu leur priorité sur un cheval après une drive peu inspirée ou une erreur stratégique en course. A titre d’exemple imaginaire on peut se demander ce qui arriverait à Bernard Piton s’il perdait une course importante avec Ready CashJusqu'à 600€ offerts pour parier sur les courses hippiques !