Trot Publié le mardi 19 mai 2009 à 20h23

Jacky Auffray : L'histoire d'un éleveur sans terre (partie 1)


L’univers des courses est un milieu magique où le mendiant côtoie le prince. Jacky Auffray appartient au monde marginal et mystérieux des gens du voyage. Jacky est un funambule qui vit en équilibre improbable entre les lourdes traditions familiales et des rêves de liberté. Le Mag Turf est parti à la rencontre d’un homme à part, fermement attaché à des valeurs humaines en voie de disparition. Accrochez-vous !

Jacky Auffray a 56 ans, il est issu d’une famille de 12 frères et sœurs et père de six enfants âgés de 12 à 32 ans. Le métier de Jacky ? Récupérateur ! Un métier d’un autre temps qui survit encore, tant bien que mal, chez les gens du voyage. Lui qui vit dans sa caravane au milieu du camp d’Argentan subit de plein fouet la crise ; les affaires vont mal. Alors, pour passer le temps, Jacky a accepté de faire marcher la machine à remonter le temps…

Le pied à l’étrier

Jacky nous a parlé de son arrivée dans le monde des courses : « Chez nous, les Gens du voyage, on savait y faire avec les chevaux. Depuis l’époque des roulottes, les chevaux on toujours été présents dans nos vie. Mon grand-père a transmis son savoir et je me souviens avoir monté des chevaux à cru quand j’étais gamin. Bien sûr, il y a eu la motorisation de notre communauté et les chevaux ont peu à peu disparu des camps mais ceux de ma génération possèdent un vrai savoir avec les chevaux. J’ai été bercé dans le voyage, avec les chevaux, j’ai appris à regarder les chevaux avec mon grand-père, leurs aplombs par exemple. En 1976, mon père, Henri, qui était turfiste, a touché un gros Tiercé. Mon père a acheté un cheval qualifié chez Pierre Taupin, Izacar (fils de Picardie). J’avais 23 ans. J’en ai profité pour demander une licence de driver amateur. J’avais trouvé un entraîneur, Jacky Guédé, aujourd’hui décédé, ma demande avait été acceptée, la visite médicale était O.K. mais malheureusement, il fallait alors le parrainage d’un commissaire ! Le fait que j’appartienne à la communauté des gens du voyage m’a valu un refus pur et simple. J’en ai gardé une blessure à vie et j’ai totalement abandonné l’idée de driver un jour en course. Izacar a gagné à Rânes, ce fut un jour d’immense fierté pour notre famille… »

La magie de Vincennes

Et puis, très vite, Jacky est passé de l’autre côté du miroir, il s’est retrouvé confronté à la magie du monde des courses au travers de rencontres et de voyages. « je me souviendrai toute ma vie du voyage à Vincennes à l’occasion de la tentative parisienne d’Izacar. Michel Lecacheux était au sommet de son art, il venait de gagner des grandes courses avec Handicapeur et Feu vert. Je me suis retrouvé dans les coulisses de Vincennes, dans le sillage des stars du vestiaire de Vincennes. J’étaiS émerveillé, je rêvais les yeux ouverts ! La magie de Vincennes au temps des anciennes écuries ; c’était quelque chose pour un jeune homme comme moi à l’époque !"

Retour à la réalité

Jacky ne perdra jamais son âme d’enfant durant les années qui suivirent. L’étincelle illuminera toujours son regard et pourtant, le quotidien de notre homme n’a pas toujours été facile. Jacky a payé cher son droit d’entrée dans la famille des courses… « Après l’aventure Izacar, j’ai passé de longues années sans chevaux. Je rencontrais souvent des hommes de chevaux, j’aimais beaucoup aller sur les hippodromes. Et puis, un jour, le destin a frappé à ma porte… J’avais une jument Cob sur une roulotte que je voulais vendre. L’acheteur m’a « refilé » une jument trotteuse (une fille d’Ortolan) dans la transaction. Cette jument m’a donné un poulain qui a été qualifié et a accroché une petite place sur l’hippodrome de Domfront. Ce n’était pas grand-chose mais moi j’en ai tiré une certaine fierté. Ceux qui m’entouraient n’y croyaient pas, ils me disaient que les courses appartenaient « au Grand Monde ». J’étais seul, je n’avais pas de terre ; pas facile dans ces conditions de progresser dans ce milieu."

Les Bellanger et le label du Ranch

La chance finit toujours par croiser le chemin des rêveurs et des opportunistes, à eux de la voir et de la saisir… « J’ai eu la chance de rencontrer Nicole et Guy Bellanger, les éleveurs de tous les Ranch, à une époque où ils ne pouvaient plus s’occuper seuls de leurs chevaux. Je leur ai rendu service en m’occupant de leurs juments et en les emmenant à la saillie. De mon côté, j’avais récupéré une jument de réforme de chez Emmanuel Leclerc nommée Lola d’Urzy. En échange de mes services ponctuels, les Bellanger m’ont offert une terre pour ma poulinière et le statut de co-éleveur sur plusieurs produits. » L’élevage de la Famille a fait naître une ribambelle de bons chevaux dont Ludivine du Ranch, Triton du Ranch, Caribou du Ranch, Caïd du Ranch, Gascon du Ranch, Aneola du Ranch (mère de New des Landes), Espoir du Ranch, Katalie du Ranch… « Monsieur Guy Bellanger est décédé durant l’été 2008, je m’occupe désormais des juments de Madame Bellanger. Tous les poulains issus de cet élevage sont vendus, cette souche disparaîtra lorsque Madame Bellanger cessera son activité.

Les clefs de la réussite :

Jacky a bien fait de persévérer et de croire en sa bonne étoile. Les chevaux ont fini par lui offrir sa part de gloire et de fierté… « Aujourd’hui, je suis co-éleveur de 2 R qualifiés (Rêve du Ranch (Lola d’Urzy et Mon Bellouet) et Reine du Ranch), et de 3 S qualifiés (Saga du Ranch, Star du Ranch (Lola d’Urzy et Go Lucky) et Sancho du Ranch). Lola d’Urzy m’a également donné un T, Tsar du Ranch (Go Lucky). J’ai bien fait de persévérer. Quand je regarde tout ce chemin parcouru depuis l’époque où j’étais un simple turfiste, où je ne connaissais presque rien au monde de l’élevage et des courses, je me dis que j'ai eu raison. » Jusqu'à 600€ offerts pour parier sur les courses hippiques !